Canal+ rétropédale et rallonge ses plages de diffusion en « clair »
Ce n’est qu’un ajustement de grille comme on en voit souvent dans les chaînes. Mais, dans le cas de la rentrée 2016 de Canal+, le rallongement des plages de diffusion en « clair » à deux heures par jour a des allures de renoncement express à un axe stratégique : en effet, depuis plusieurs mois, l’état-major mis en place par Vincent Bolloré expliquait qu’il fallait limiter au minimum l’antenne gratuite pour satisfaire au maximum l’abonné.
A partir de lundi 26 septembre, les programmes de Canal + seront accessibles à tous entre 19 heures et 21 heures, comme c’était le cas avant la réforme mise en place le 5 septembre, écrit Puremedias qui a révélé l’information : il fallait depuis lors attendre 19 h 45 pour voir Canal+ en « clair ». « Le Grand journal » de Victor Robert ne sera donc plus scindé en deux parties, l’autre payante, l’autre gratuite.
Audiences faibles
Comment expliquer ce revirement ? « Le Grand Journal », « Le Petit Journal » de Cyril Eldin et « Le Gros Journal » de Mouloud Achour ont des audiences assez faibles et en recul par rapport à celles de la grille de l’année précédente (avec Maitena Biraben ou Yann Barthès).
L’émission de Victor Robert ne rassemble que 183 000 spectateurs par soir en moyenne, selon Puremedias, soit 0,9 % de part d’audience. « Le Petit Journal » de Cyrille Eldin capterait lui 553 000 personnes en moyenne (2,4 % de PDA) mais en recul.
Côté abonnés, « Le Grand Journal » n’attirerait que 72 000 abonnés pendant la partie cryptée.
La décision prise par Canal+ contraste avec le discours tenu récemment par l’équipe de Vincent Bolloré, président du conseil de surveillance de Vivendi. « On a tendance à se focaliser sur le “clair” de Canal+ comme un drame national, mais cela ne représente que 60 millions d’euros de recettes publicitaires par an sur 1,5 milliard de revenus générés par les abonnements », relativisait-il en juin dans un entretien au Monde, annonçant la réduction drastique des plages gratuites.
Pragmatisme
Le patron de Vivendi estimait que les émissions en « clair » n’étaient pas des leviers de recrutement d’abonnement, à l’exception du Canal Football Club, l’émission qui précède le match de Ligue 1 le dimanche soir. Il minorait aussi l’effet des défections de Yann Barthès, Maitena Biraben ou Ali Baddou : « Le sort de Canal+ ne se joue pas sur un animateur », assurait-il. Le « clair » ne serait désormais plus à voir sur la chaîne payante mais sur C8, la chaîne gratuite qui a accueilli certains transfuges comme Daphné Bürki.
Gérald-Brice Viret, le directeur des antennes du groupe, faisait par ailleurs presque fi, à la rentrée, du nombre de téléspectateurs : « Pour Canal+, l’audience n’est plus le sujet », déclarait-il au Figaro.
Aujourd’hui, Vivendi relativise la volte-face en rappelant que la dose de programmes cryptés reste supérieure à celle de l’année dernière. Mais le changement de la grille, seulement trois semaines après son lancement, montre que la recherche d’un nouveau modèle économique pour Canal+ a une part de tâtonnement. S’il tente de développer une vision stratégique construite auprès des médias et des investisseurs financiers, le groupe semble aussi guidé par une bonne dose de pragmatisme.
Source : lemonde.fr