© "l'envers du petit écran" par P.Duru,éditions Gauthier-Villars 1966
suiteL'ÈRE DE LA TÉLÉVISION MÉCANIQUE "Elle remonte à- la découverte d’un dispositif d'analyse ligne par ligne, très ingénieux, proposé en 1884 par
NIPKOW (figure 51)
L'image du sujet est projetée sur le traducteur lumière-courant à travers les trous d’un disque tournant (figure 52). Ces trous sont disposés suivant une spirale (chaque trou est décalé par rapport au précédent de la hauteur de son propre diamètre); la distance entre deux trous consécutifs correspond à la largeur de l’image.
On devine le rôle de ces trous : ne projeter sur le traducteur, et ce, dans un ordre bien déterminé, qu’un seul point du sujet à la fois. En effet, le premier trou, en haut, balaie la partie supérieure de l’image, sur laquelle il décrit la première ligne; il quitte l’image, à gauche, au moment où le second trou se présente, à droite, pour décrire la seconde ligne, immédiatement au-dessous, et ainsi de suite... Lorsque le disque a fait un tour complet, l’image a été décomposée en autant de lignes que le disque comporte de trous. La vitesse de rotation du disque correspond au nombre d'images analysées par seconde: 16 tours, 16 images/seconde. On peut ainsi transmettre des images animées. Le traducteur lumière-courant proposé par NIPKOW n'est pas le sélénium, cependant connu, mais le noir de fumée... : le volume de la suie augmente et diminue suivant qu'elle est plus ou moins éclairée. NIPKOW imagine donc d'éc1airer de la suie -- à travers les trous de son disque - par la lumière émanant de chacun des points de l’image à transmettre. Les contractions et les dilatations de cette suie mettent en mouvement la membrane d'un microphone... Le procédé est franchement archaïque. A-t-il jamais fait l`objet d'une réalisation ? Il est permis d’en douter ! D'ailleurs le traducteur courant-lumière est un peu du même style : NIPKOW propose un récepteur téléphonique doté d'un miroir métallique, en guise de membrane. En vibrant, ce miroir devient alternativement concave et convexe. On lui fait renvoyer un pinceau lumineux sur un écran de projection, à travers un second disque tournant, identique au premier, et se trouvant au même instant dans la même situation (synchronisme parfait). Chaque trou, au fur et à mesure de sa rotation, laisse passer de l'autre côté du disque un faisceau lumineux dont l'éclat dépend de l'état de déformation du miroir. Ce faisceau est reçu sur un écran.
L’image est ainsi reconstituée sur l’écran, ligne par ligne, au fur et à mesure du défilement des trous.
Le principe même du disque était tout à fait valable et ne fut supplanté qu'à l’apparition de la télévision électronique en 1935, mais les procédés de traduction lumière-courant et courant-lumière ne l’étaient guère.
C’est pourquoi la carrière du disque de NIPKOW ne commença vraiment que vers 1920, lorsque l’on eut mis au point des dispositifs de traduction réellement valables. Le traducteur lumière-courant fut la
cellule photo-électrique ; le traducteur courant-lumière fut le
tube à lueur appelé
lampe à gaz.
Disons quelques mots de chacun d’entre eux.
Cellule photo-électriqueElle ne fut pas au sélénium: depuis 1887, époque à laquelle
HERTZ découvrit l’
effet photo-électrique, la photo-conductibilité
du sélénium n'était plus le seul procédé de traduction lumière-courant (La cellule photo-électrique n’est plus un bloc de sélénium, mais une ampoule vide d'air, sur la paroi interne de laquelle est déposée une couche de métal alcalin : corps photo-émissif.
Au centre de cette ampoule, un anneau métallique (anode) capte les électrons émis par la couche (cathode); cette émission est proportionnelle à l’éclairement dont la cathode est l’objet.)
Les noms de
HALLVACHS (étude de l'effet photo-électrique) de
Julius ELSTER, de
Hans Friedrich GEITEL (réalisation de la première cellule en 1905), de
EINSTEIN (établissement de la théorie : quantum de lumière 1905) sont associés à la photo-émission.
Mais la cellule photo-émissive délivre un courant faible, et son application à la télévision nécessite une lampe amplificatrice:
la lampe radio. La toute première remonte bien à. 1906 (
LEE DE FOREST :la lampe triode), mais il fallut attendre 1'après-guerre pour la voir utilisée à des fins pacifiques, en télévision.
Tube à lueurLe tube luminescent utilisé dans l’éclairage moderne est, lui aussi, un tube à lueur, ou lampe à gaz. Entre le « traducteur courant-lumière » pour télévision des années 20 et le « traducteur courant-lumière » pour éclairage des années 60, il n'y a pas de différence de principe mais seulement une différence de réalisation : derrière le second disque de NIPKOW, celui de la réception, il ne fallait pas un tube d'éclairage mais une surface luminescente de la dimension même de l’image, et dont l’éclat devait varier proportionnellement au courant venant du dispositif d’émission.
Le tube à lueur approprié à cet usage est celui de la figure 53.
Il contient deux électrodes dans une atmosphère de néon et d'hélium sous faible pression. Entre ces deux électrodes est appliquée une tension variable proportionnelle au courant émanant de la cellule photo-électrique d'émission. La décharge électrique qui se produit dans cette atmosphère est lumineuse sur toute la surface des électrodes, et son éclat est proportionnel à la tension appliquée. Les électrodes avaient bien entendu les dimensions de l’image. Ainsi était constitué le traducteur courant-lumière répondant aux conditions que l’on exigeait.
Le récepteur de
BARTHELEMY (figure 54) était équipé de ce dispositif. La lumière provenant du tube à lueur arrivait au « téléspectateur » à travers les trous du disque de NIPKOW.
Tels furent les dispositifs les plus utilisés dans cette période mécanique de la télévision, qui devait durer jusque vers les années 35 et faire place, à cette époque, à l’ère de la télévision électronique dans laquelle nous sommes encore aujourd'hui.
Nous ne pouvons cependant en terminer avec l’ère de la télévision mécanique sans avoir fait mention de deux autres procédés d’analyse de l’image, deux concurrents du disque de NIPKOW dont la carrière fut cependant moins brillante.
"Nous ne pouvons cependant en terminer avec l’ère de la télévision mécanique sans avoir fait mention de deux autres procédés d’analyse de l’image, deux concurrents du disque de NIPKOW dont la carrière fut cependant moins brillante.
Procédé Maurice LeblancIl remonte à 1880. C'est donc le premier en date. Un exemple de réalisation est donné figure 55 . Il servit encore à Edouard BELIN en 1926.
Le procédé d'analyse n’est pas tout à fait le même que celui du disque de NIPKOW : l'image du sujet est projetée directement sur le traducteur lumière-courant, mais ce dernier ne peut en voir qu'un seul point à la fois : le sujet n'est en effet éclairé que par un étroit faisceau de lumière que l’on déplace sur lui de gauche à droite et de haut en bas.
Le dispositif mécanique a pour mission de déplacer convenablement le faisceau lumineux grâce au jeu de deux miroirs oscillants.
Ces deux miroirs se distinguent nettement sur la figure 55 : ce sont les deux taches claires, l’une circulaire, l’autre rectangulaire placées l’une au-dessus de 1'autre.
Le pinceau lumineux servant à éclairer le sujet est dirigé sur le premier miroir; il se réfléchit et tombe sur le second, qui le réfléchit à son tour sur le sujet.
Le miroir circulaire oscille rapidement et déplace le point horizontalement, pendant que le miroir rectangulaire, doué d’oscillations plus lentes, permet de placer les lignes les unes au-dessous des autres.
Tambour de WeillerEn 1889, apparut le tambour de
WEILLER(figure 56).
Le tambour de WEILLER est doté de trente miroirs rectangulaires disposés sur sa périphérie.
Il s’agit, comme précédemment, d’éclairer successivement point par point le sujet que l’on désire téléviser.
Le pinceau lumineux émanant d’une source fixe est dirigé sur le tambour tournant. Il est par conséquent réfléchi successivement par les trente miroirs, au fur et à mesure que ceux-ci se présentent.
La direction du rayon réfléchi dépend de 1'angle sous lequel le rayon incident frappe le miroir. Puisque ce dernier tourne, l’angle augmente au fur et à mesure de la rotation. Le rayon réfléchi se déplace ainsi horizontalement sur le sujet.
Si tous les miroirs étaient bien verticaux, on décrirait toujours la même ligne. Mais ils sont légèrement décalés verticalement les uns par rapport aux autres, de sorte que le faisceau décrit autant de lignes les unes au-dessous des autres que le tambour comporte de miroirs sur sa périphérie.
La vitesse de rotation du tambour correspond au nombre d'images analysées par seconde.
Mais tous ces systèmes mécaniques, en dépit de leur ingéniosité, ne permettaient qu’une analyse grossière : lourdeur, encombrement, inertie, difficultés pour assurer le synchronisme entre l’émetteur et le récepteur...
Pour que la télévision soit, un jour, autre chose qu’une curiosité il fallait trouver le moyen d'explorer l’image sans faire appel à aucun dispositif mobile. On ne pouvait le faire avec un faisceau de lumière; il fallait donc le faire avec un faisceau de « quelque chose d'autre », par exemple avec un courant électrique dépourvu de son support matériel : un courant sans fil conducteur, c'est-à-dire un faisceau d'électrons."
à suivre