Le rachat par Vivendi de la start-up Radionomy tourne au fiasco 21/02/2018 à 07h22
Ce site permet de créer des radios sur mesure en puisant dans un catalogue de chansons - Radionomy
Ces webradios, rachetées pour 24 millions d'euros fin 2015, ont été discrètement revendues un an et demi après.Les start-up internet sont-elles solubles dans Vivendi? Il y a d'abord eu DailyMotion, dont les résultats se sont effondrés après son rachat. Il y a aujourd'hui Radionomy, dont le rachat a aussi tourné au fiasco. Créée en 2007, cette start-up belge a initié un concept original: créer sa propre webradio (57.000 au total), à partir de chansons proposées dans un catalogue. Elle détient aussi le lecteur audio Winamp, dont elle a hérité lors du rachat de Nullsoft à AOL en 2014.
Deux fois moins que le prix payé
En décembre 2015, Vivendi a acquis 64,4% du capital pour 24 millions d'euros. Un rachat prometteur, à en croire le communiqué publié à l'époque: "De nombreuses passerelles entre la plateforme de radios numériques et les différentes entités de Vivendi ainsi que des offres innovantes seront mises en place. Radionomy complète également le dispositif d’accompagnement des talents qui constitue le socle du développement pérenne de Vivendi".
Las! À peine un an et demi plus tard, en août 2017, Vivendi a discrètement revendu ses parts à MusicMatic, la société du directeur général-fondateur Alexandre Saboundjian. On ne sait pas combien a perdu dans cet aller-retour le groupe présidé par Vincent Bolloré. On sait juste que, dans les comptes de Vivendi, la valeur de l'écart d'acquisition a été déprécié de moitié à fin 2016. En clair, que la start up valait deux fois moins que le prix payé.
Interrogés sur cet aller-retour express, ni Vivendi ni Radionomy n'ont répondu. On en est donc réduit aux conjectures. Selon un salarié, "après le rachat, Vivendi ne s'est pas occupé de nous: ni projets, ni investissements. Et Radionomy n'intéressait pas Universal Music", la major qui appartient aussi à Vivendi.
Coûteux procès
Mais d'autres explications sont possibles. A peine deux mois après le rachat, Sony Music a attaqué Radionomy et Alexandre Saboundjian devant un tribunal californien. Selon la major, Radionomy proposait dans son catalogue des chansons sans en avoir le droit de les exploiter, et donc violait les droits d'auteur. La plainte affirme:
"Le catalogue de Radionomy contient des centaines, si ce n'est des milliers, de chansons de Sony Music.
Radionomy ne respectent pas les textes, contrairement à des services qui paient les redevances applicables, comme Pandora, ou iHeart Radio.
Quand Sony a soulevé la question auprès de Radionomy fin 2015, Radionomy a assuré "avoir payé, depuis sa création, tous les droits auprès de SoundExchange", la société de gestion collective chargée du streaming audio. Toutefois, début 2016, Radionomy a reconnu auprès de Sony ne pas avoir payé de royalties à SoundExchange depuis fin 2014, et donc ne pas être en conformité avec la loi. Malgré la demande de Sony de cesser cette activité, Radionomy a refuser d'arrêter de diffuser ses radios".
Deux mois après la plainte, Radionomy décide de restreindre son service. Le catalogue de chansons est réduit. Ses radios sont retirées du site TuneIn référençant les webradios. La diffusion de ses radios est bloquée dans certains pays, dont les Etats-Unis. Toutes ces restrictions suscitent la fureur des utilisateurs.
Finalement, le 2 décembre 2016, Sony et Radionomy concluent un accord amiable mettant fin au procès. On ignore combien Radionomy a dû payer pour cela. On sait juste que, pour payer l'addition, Radionomy s'est retourné vers ses anciens actionnaires, notamment la société MusicMatic d'Alexandre Saboundjian, qui elle-même s'est retournée vers son assureur AIG, qui lui a versé 1,34 million d'euros.
L'addition aurait pu être encore plus lourde
L'addition aurait toutefois pu être encore plus élevée pour Vivendi. Le groupe français avait promis de monter à 100% dans Radionomy mi-2018 pour environ 16 millions d'euros. Les accords initiaux prévoyaient aussi qu'il rachète la webradio française HotMixRadio, mais cela ne s'est finalement pas fait.
A noter que, lors du retrait de Vivendi en août 2017, Vincent Vallejo (directeur de l'audit à Vivendi) a été révoqué de son poste d'administrateur dans les différentes sociétés du groupe Radionomy. Vincent Vallejo était l'un des quatre représentants de Vivendi au conseil d'administration de Radionomy, avec Frank Cadoret, Francine Mayer et Karim Ayari. Radionomy avait été rattaché à Vivendi Village, structure rassemblant les diversifications et présidée par Simon Gillham.