Interview de Mougeotte dans le Figaro ce matin...
TNT, Internet : «Pas de péril pour TF 1»
AUDIOVISUEL Etienne Mougeotte est vice-président et directeur général de l'antenne de TF 1.
Propos recueillis par Paule Gonzalès, Philippe Larroque et Rémi Godeau
[07 janvier 2006]
Le FIGARO. – Jacques Chirac veut donner une nouvelle impulsion au tout-numérique, donc à la télévision par l'Internet et sur le téléphone. Est-ce une bonne initiative ?
Etienne MOUGEOTTE. – C'est une bonne nouvelle. Et une décision qui va dans le sens de l'histoire, tant cette évolution technologique est attendue. Le numérique est l'avenir, l'analogique le passé. Ceci dit, un peu de volontarisme politique n'est pas à négliger.
Ne redoutez-vous donc pas l'arrivée de nouveaux concurrents, les opérateurs de télécommunications ?
Pas le moins du monde. Tant que les contraintes réglementaires sont équitables et équilibrées, TF 1 n'a rien à craindre de cette évolution technologique qui permettra, entre autres choses, de faire de la télévision sur mobile. L'ensemble de nos chaînes dispose de contenus adaptés. LCI est par exemple déjà décliné sur l'Internet et le téléphone. Ma conviction n'a toutefois pas changé : la diffusion par voie hertzienne restera le pivot du paysage audiovisuel. Et TF 1 gardera sa place de leader à condition de diffuser les grands événements.
Donc, pas de combat au sommet entre TF 1 et France Télécom ?
France Télécom est dans son secteur un acteur de poids, avec des moyens qui le sont tout autant. Mais il se passera du temps avant qu'il produise le journal de 20 heures ou qu'il diffuse en exclusivité la finale de la Coupe du monde de football... Il en va, en revanche, autrement pour la télévision payante.
N'avez-vous pas sous-estimé le succès de la télévision numérique terrestre ?
Je ne suis pas vraiment étonné par son rapide développement. La technologie est assez simple, la qualité de l'image et du son est un avantage important. Mais là encore, je reste persuadé que la qualité des programmes fait la différence. Or, la TNT n'apporte pas de révolution sur les contenus.
Selon vous, il n'y a donc pas d'élargissement de l'offre ?
Oui, elle existe. Mais, je le répète, la concurrence se fait sur la force des programmes, sur leur créativité, sur notre capacité à acquérir des droits de diffusion. Nous avons pu ainsi signer avec Warner, Universal, Dreamworks et sécuriser les Coupes du monde de football 2010 et 2014, les Coupes du monde de rugby 2007 et 2011 ainsi que les droits de la F 1 jusqu'en 2012. J'ajoute que la multiplication des chaînes entraîne un émiettement de l'audience. Cette tendance ne rend que plus attractives pour les annonceurs des chaînes fédératrices comme TF 1. Même si le paysage audiovisuel se transforme, il n'y a pas péril en la demeure.
Comment accueillez-vous l'arrivée du journal de 13 heures de votre concurrent M 6 ?
M 6 n'a pas attendu de lancer son «12.50» pour être un concurrent efficace et compétent. Notre réponse : faire la meilleure information possible. Pas question pour nous de changer les formules du 13 heures et du 20 heures – elles sont plébiscitées. Au public de trancher ! Mais ne nous y trompons pas : la révolution de l'information sur l'Internet et le bombardement perpétuel d'images auquel sont soumis les téléspectateurs ne donnent que plus de poids à la grand-messe du 20 heures.
En termes de programmes, quelles sont les tendances de 2006 ?
Premier point, la fiction – française ou américaine – reste l'une de nos priorités. Nous terminons actuellement le tournage de la suite de «Zodiaque», intitulée les «Maîtres du zodiaque». Au printemps, nous commencerons le tournage d'une minisérie de deux fois 90 minutes sur Marie Besnard avec Muriel Robin ainsi qu'un nouveau grand rôle de télévision pour Michel Serrault, intitulé «Cher Léon». Nous travaillons aussi sur des téléfilms événementiels comme «La Dame d'Izieu», avec Véronique Genest. Egalement dans les cartons, une suite de «Dolmen», un «Rainbow Warrior», «Les Rivières pourpres» et un pilote pour une nouvelle série policière avec Jean-Pierre Castaldi. C'est un investissement important. Certains téléfilms coûtent jusqu'à 2 millions d'euros. Au total, TF 1 y consacre 230 millions d'euros par an et les fictions lourdes représentent presque 140 heures en prime time.
La fiction compense-t-elle l'essoufflement de la téléréalité ?
Pas du tout ! Le format s'est imposé, il ne disparaîtra pas. Il y aura une «Star Ac 6» et un nouveau «Koh Lanta». «La Ferme célébrités» et «La 1re compagnie» ne reprendront pas. Nous préparons un programme inédit pour le printemps. Mais, c'est vrai, nous sommes arrivés à un niveau où il n'y a pas de raison pour que la téléréalité occupe davantage de place dans la grille.
Les analystes financiers vous ont un peu chahuté au premier semestre après la révision de vos prévisions publicitaires. A quoi faut-il s'attendre en 2006 ?
N'exagérons pas : l'année 2005 n'aura pas été une annus horribilis ! Le marché est très réactif et très court-termiste. C'est ainsi, il faut s'y habituer. 2005 a été une année compliquée. On peut espérer que 2006 sera meilleure.
Arriverez-vous en 2006 à maîtriser votre coût de grille ?
Nous l'avons fait en 2005, nous le ferons en 2006. La hausse n'aura pas atteint 3% l'an dernier, conformément à nos engagements. Il devrait en être de même en 2006 hors Coupe du monde. Le coût de cet événement exceptionnel et ses recettes publicitaires seront isolés. Nous partons donc sur de bonnes bases.