Au sujet du 405 et du 819 lignes...
Posté: 02 Fév 2007 23:20
Salut, je passe juste sur votre forum car je recherche un modulateur 819 lignes VHF pour téléviseurs anciens et j'ai trouvé dans Google l'extrait du message de JeanPhi y faisant allusion (je sais qu'il existe au Royaume-Uni des modulateurs permettant de continuer de faire fonctionner des postes anciens à 405 lignes chez certains enthousiastes). J'ai plus de 50 ans et j'ai bien sûr connu le 819 lignes de notre ex-première chaîne ORTF, et en séjour à Manchester en 1974, j'ai obtenu des gens qui me logeaient, de rallumer leur vieux poste noir et blanc à 405 lignes pour "voir ce que ça donne"... Imaginez leur perplexité, eux qui étaient tellement contents de leur poste couleur !
Pour ce qui concerne le 819 lignes, l'image, même originalement "filmée" en 819 lignes avait en effet un peu plus de finesse au niveau du contour, mais elle était d'aspect général très "plat", manquant totalement de relief par rapport à celle de la 2ème chaîne en 625 lignes. De plus, la chaîne étant très ancienne, les équipements vieillissaient et n'amélioraient guère les performances !
Contrairement à la BBC et à ITV qui mirent très vite au point des convertisseurs électroniques de définitions, fonctionnant avec des lignes à retard pour compenser la différence de durée d'analyse des images en 405 et en 625, l'ORTF se contenta longtemps de convertisseurs"optiques", à savoir une caméra 819 reprenant l'image d'un moniteur 625 à tube à rémanence spéciale... Inutile de revenir sur le résultat désastreux, en particulier dans les zones devant relayer les émissions régionales sur les 2 (puis les 3) chaînes... Plus d'une vieille caméra à la limite de la réforme s'est trouvée promue au rôle de convertisseur de standard en province, avec des résultats piteux ! Peux avant de devenir TF1, la chaîne s'équipa enfin d'un convertisseur électronique à Paris, mais le standard avait quand même bien moins de "pêche" que le 625.
Quant au 405, initialement conçu en... 1936, à l'époque pour des tubes de 20 ou 30 cm de diamètre, inutile de dire que sur un écran de 53 ou 59 cm de diagonale, dans les années 70 (BBC1 et ITV ne passèrent en 625 PAL sur UHF qu'à partir de 1969 à Londres... pour finir en 1976 avec Jersey), les lignes étaient, même à 2 ou 3m de distance, très (trop !) visibles, et très gênantes pour un non-britannique !
C'est pourquoi il faut être indulgent avec le 405 de Marconi-EMI : n'oublions pas qu'il était une véritable innovation, le 1er système TV "tout électronique" en concurrence, à partir de décembre 1936, avec le 240 lignes "mécanique" de Baird à... analyse à disque rotatif de Nipkow ! La BBC avait imposé 240 lignes, et Marconi-EMI créa la surprise (et remporta le marché dès février 1937... il y a exactement 70 ans) en offrant 405 lignes, une image superbe pour l'époque ( les américains testaient 343 lignes, Français en étaient encore à 180 lignes en "mécanique" et les Allemands testaient 375 lignes aux JO 1936 de Berlin).
En septembre 1939, l'émetteur BBC londonien était reçu par 3000 postes et stoppait ses émissions pour éviter de servir de repère aux avions nazis. A Paris (passé au 455 lignes électronique de la CDC en 1938) seules quelques centaines de récepteurs captaient la Tour Eiffel, dont l'émetteur était saboté par la Résistance avant l'entrée de l'Occupant dans la capitale. En 1943, Kurt Hinzmann, responsable des programmes de la TV de Berlin (en 441 lignes Telefunken depuis 1939) était chargé de "piller" le matériel de la Tour Eiffel avant de partir sur le front russe. Il trouva le moyen de convaincre Berlin et Vichy de lancer une TV à Paris pour les soldats en convalescence, au standard allemand de 441 lignes. Ce "Fernsehsender" servit d'ailleurs, avec sa bienveillance, de repaire à des gens fuyant le STO et la Gestapo, et Hinzmann remit la station intacte à ses collaborateurs français à la Libération ( le gouvernement l'a ensuite remercié pour cela en lui donnant une pension de retraité de la RTF !).
Paris et Londres ont donc pu reprendre leurs émissions dès 1945 et 1946 respectivement, et vu le grand nombre de postes déjà en service, la BBC décida de garder son standard d'avant-guerre, qui avait l'avantage de permettre, grâce à sa faible bande passante, de diffuser 2 chaînes : la BBC en bande 1 (41-68 MHz) et ITV à partir de 1955 dans la "nouvelle" bande III (175-230 MHz), dont la propagation était plus capricieuse que la bande basse, et dont les équipements d'émission étaient plus sophistiqués car travaillant sur des fréquences bien plus élevées. La FM n'a débuté que dans les années 45-50 en Europe, lancée par les Allemands dépossédés de nombreuses fréquences AM alors qu'ils avaient besoin de programmes régionaux à cause de leur système politique fédéral. En TV, le son AM était commun à tous les standards avant 1945.
La France avait un énorme problème en radio, tout le réseau ayant été détruit sauf l'émetteur de Limoges (Allouis, le "Grandes Ondes" de France-Inter, inauguré début 1939, détruit par les Nazis, ne renaîtra qu'en 1955). La TV était donc loin d'être prioritaire et resterait longtemps parisienne.
Dans le cadre du plan Marshall, les USA firent pression sur les Allemands pour imposer la variante "européenne" de leur 525 lignes, adopté en 1941 à la place d'un éphémère 441 lignes RCA lancé en 1939. Cette variante, en 625 lignes, résultait de la différence entre l'alimentation secteur européenne à 50 Hz et celle américaine à 60 Hz, jouant sur la fréquence lignes, ai-je lu quelque part. A cette définition à 625 lignes étaient associées la polarité négative de l'image et le son FM comme pour le 525 lignes NTSC, ainsi que plusieurs autres détails communs.
La France, en 1948, était consciente de la nécessité de construire un réseau national totalement nouveau, donc technologiquement plus avancé que celui existant à Paris et que celui de la BBC. Pour éviter d'avoir à payer des royalties aux USA, elle décida donc d'adopter des normes totalement différentes de celles du 625 américano-allemand, donc un son en AM (qui interdirait plus tard la stéréo jusqu'à l'arrivée du numérique) et la polarité positive (donnant, en bande I notamment, d'insupportables parasites auto ou moto blancs, au lieu de noirs, moins gênantes, sur le 625 "européen"). Les restrictions budgétaires étant très dures à cette époque, même en évitant ces coûteuses royalties, le développement du réseau traîna pendant 15 ans, avec des petits relais provisoires de 50 watts longtemps installés sur des sites initialement prévus à 20 kW, comme à Dijon, Rennes, Nantes, Limoges...
L'énorme bande passante du 819 lignes (14 MHz contre 7 en 625 lignes)rebuta plus d'un pays européen, malgré "l'image la plus belle du monde", car cela augmentait beaucoup le prix des récepteurs et limitait le nombre d'émetteurs du un territoire donné. La Belgique opta par exemple en 1953 pour le 819 lignes "a bande étroite" (canal de 7 MHz prévu pour le 625 lignes) pour la Wallonie, suivie en 1955 par Télé-Luxembourg, dont j'ai personnellement vu l'image en 1969. Honnêtement, la différence avec celle de l'ORTF était peu flagrante, il y avait juste une petite perte de définition au niveau des détails, un peu moins que comme en VHS-HQ par rapport à l'émission en direct. Les Français, parait-il, essayèrent de commercialiser un 819 lignes avec vidéo de 8 MHz seulement, mais c'était trop tard, et de toute façon les américano-allemands firent largement pression pour imposer leur standard dans l'Europe en cours de reconstruction.
Voilà pourquoi on ne peut pas trop faire de reproche, à la fois à ce brave 405 lignes de 1936 qui ne s'arrêta définitivement qu'en... 1984 dans les vallées perdues d'Ecosse et du Pays de Galles, ni à ce pauvre 819 lignes de M. de France qui, l'Histoire se répète toujours, ne "fit pas le poids" face au PAL allemand (2ème émanation du... NTSC américain) en 1967, alors que, selon un "Télé-Magazine" de 1959 son "SECAM" était déjà au point bien avant que son concurrent allemand ait vu le jour...
Tous ces détails proviennent des publications suivantes : "BBC 1922-1972", "Radio Télévision Pratique" (1953-1955), "Télé-Magazine" (1959), "La Nature" (1935-1953).
Visitez aussi ce site : http://archives.television.free.fr/
Vous y trouverez notamment les génériques antennes des 3 chaînes ORTF et l'indicatif du "décrochage régional" qui a bercé la jeunesse de bien des "quinquas".
"Enjoy !" comme ils disent, là-bas...
Pour ce qui concerne le 819 lignes, l'image, même originalement "filmée" en 819 lignes avait en effet un peu plus de finesse au niveau du contour, mais elle était d'aspect général très "plat", manquant totalement de relief par rapport à celle de la 2ème chaîne en 625 lignes. De plus, la chaîne étant très ancienne, les équipements vieillissaient et n'amélioraient guère les performances !
Contrairement à la BBC et à ITV qui mirent très vite au point des convertisseurs électroniques de définitions, fonctionnant avec des lignes à retard pour compenser la différence de durée d'analyse des images en 405 et en 625, l'ORTF se contenta longtemps de convertisseurs"optiques", à savoir une caméra 819 reprenant l'image d'un moniteur 625 à tube à rémanence spéciale... Inutile de revenir sur le résultat désastreux, en particulier dans les zones devant relayer les émissions régionales sur les 2 (puis les 3) chaînes... Plus d'une vieille caméra à la limite de la réforme s'est trouvée promue au rôle de convertisseur de standard en province, avec des résultats piteux ! Peux avant de devenir TF1, la chaîne s'équipa enfin d'un convertisseur électronique à Paris, mais le standard avait quand même bien moins de "pêche" que le 625.
Quant au 405, initialement conçu en... 1936, à l'époque pour des tubes de 20 ou 30 cm de diamètre, inutile de dire que sur un écran de 53 ou 59 cm de diagonale, dans les années 70 (BBC1 et ITV ne passèrent en 625 PAL sur UHF qu'à partir de 1969 à Londres... pour finir en 1976 avec Jersey), les lignes étaient, même à 2 ou 3m de distance, très (trop !) visibles, et très gênantes pour un non-britannique !
C'est pourquoi il faut être indulgent avec le 405 de Marconi-EMI : n'oublions pas qu'il était une véritable innovation, le 1er système TV "tout électronique" en concurrence, à partir de décembre 1936, avec le 240 lignes "mécanique" de Baird à... analyse à disque rotatif de Nipkow ! La BBC avait imposé 240 lignes, et Marconi-EMI créa la surprise (et remporta le marché dès février 1937... il y a exactement 70 ans) en offrant 405 lignes, une image superbe pour l'époque ( les américains testaient 343 lignes, Français en étaient encore à 180 lignes en "mécanique" et les Allemands testaient 375 lignes aux JO 1936 de Berlin).
En septembre 1939, l'émetteur BBC londonien était reçu par 3000 postes et stoppait ses émissions pour éviter de servir de repère aux avions nazis. A Paris (passé au 455 lignes électronique de la CDC en 1938) seules quelques centaines de récepteurs captaient la Tour Eiffel, dont l'émetteur était saboté par la Résistance avant l'entrée de l'Occupant dans la capitale. En 1943, Kurt Hinzmann, responsable des programmes de la TV de Berlin (en 441 lignes Telefunken depuis 1939) était chargé de "piller" le matériel de la Tour Eiffel avant de partir sur le front russe. Il trouva le moyen de convaincre Berlin et Vichy de lancer une TV à Paris pour les soldats en convalescence, au standard allemand de 441 lignes. Ce "Fernsehsender" servit d'ailleurs, avec sa bienveillance, de repaire à des gens fuyant le STO et la Gestapo, et Hinzmann remit la station intacte à ses collaborateurs français à la Libération ( le gouvernement l'a ensuite remercié pour cela en lui donnant une pension de retraité de la RTF !).
Paris et Londres ont donc pu reprendre leurs émissions dès 1945 et 1946 respectivement, et vu le grand nombre de postes déjà en service, la BBC décida de garder son standard d'avant-guerre, qui avait l'avantage de permettre, grâce à sa faible bande passante, de diffuser 2 chaînes : la BBC en bande 1 (41-68 MHz) et ITV à partir de 1955 dans la "nouvelle" bande III (175-230 MHz), dont la propagation était plus capricieuse que la bande basse, et dont les équipements d'émission étaient plus sophistiqués car travaillant sur des fréquences bien plus élevées. La FM n'a débuté que dans les années 45-50 en Europe, lancée par les Allemands dépossédés de nombreuses fréquences AM alors qu'ils avaient besoin de programmes régionaux à cause de leur système politique fédéral. En TV, le son AM était commun à tous les standards avant 1945.
La France avait un énorme problème en radio, tout le réseau ayant été détruit sauf l'émetteur de Limoges (Allouis, le "Grandes Ondes" de France-Inter, inauguré début 1939, détruit par les Nazis, ne renaîtra qu'en 1955). La TV était donc loin d'être prioritaire et resterait longtemps parisienne.
Dans le cadre du plan Marshall, les USA firent pression sur les Allemands pour imposer la variante "européenne" de leur 525 lignes, adopté en 1941 à la place d'un éphémère 441 lignes RCA lancé en 1939. Cette variante, en 625 lignes, résultait de la différence entre l'alimentation secteur européenne à 50 Hz et celle américaine à 60 Hz, jouant sur la fréquence lignes, ai-je lu quelque part. A cette définition à 625 lignes étaient associées la polarité négative de l'image et le son FM comme pour le 525 lignes NTSC, ainsi que plusieurs autres détails communs.
La France, en 1948, était consciente de la nécessité de construire un réseau national totalement nouveau, donc technologiquement plus avancé que celui existant à Paris et que celui de la BBC. Pour éviter d'avoir à payer des royalties aux USA, elle décida donc d'adopter des normes totalement différentes de celles du 625 américano-allemand, donc un son en AM (qui interdirait plus tard la stéréo jusqu'à l'arrivée du numérique) et la polarité positive (donnant, en bande I notamment, d'insupportables parasites auto ou moto blancs, au lieu de noirs, moins gênantes, sur le 625 "européen"). Les restrictions budgétaires étant très dures à cette époque, même en évitant ces coûteuses royalties, le développement du réseau traîna pendant 15 ans, avec des petits relais provisoires de 50 watts longtemps installés sur des sites initialement prévus à 20 kW, comme à Dijon, Rennes, Nantes, Limoges...
L'énorme bande passante du 819 lignes (14 MHz contre 7 en 625 lignes)rebuta plus d'un pays européen, malgré "l'image la plus belle du monde", car cela augmentait beaucoup le prix des récepteurs et limitait le nombre d'émetteurs du un territoire donné. La Belgique opta par exemple en 1953 pour le 819 lignes "a bande étroite" (canal de 7 MHz prévu pour le 625 lignes) pour la Wallonie, suivie en 1955 par Télé-Luxembourg, dont j'ai personnellement vu l'image en 1969. Honnêtement, la différence avec celle de l'ORTF était peu flagrante, il y avait juste une petite perte de définition au niveau des détails, un peu moins que comme en VHS-HQ par rapport à l'émission en direct. Les Français, parait-il, essayèrent de commercialiser un 819 lignes avec vidéo de 8 MHz seulement, mais c'était trop tard, et de toute façon les américano-allemands firent largement pression pour imposer leur standard dans l'Europe en cours de reconstruction.
Voilà pourquoi on ne peut pas trop faire de reproche, à la fois à ce brave 405 lignes de 1936 qui ne s'arrêta définitivement qu'en... 1984 dans les vallées perdues d'Ecosse et du Pays de Galles, ni à ce pauvre 819 lignes de M. de France qui, l'Histoire se répète toujours, ne "fit pas le poids" face au PAL allemand (2ème émanation du... NTSC américain) en 1967, alors que, selon un "Télé-Magazine" de 1959 son "SECAM" était déjà au point bien avant que son concurrent allemand ait vu le jour...
Tous ces détails proviennent des publications suivantes : "BBC 1922-1972", "Radio Télévision Pratique" (1953-1955), "Télé-Magazine" (1959), "La Nature" (1935-1953).
Visitez aussi ce site : http://archives.television.free.fr/
Vous y trouverez notamment les génériques antennes des 3 chaînes ORTF et l'indicatif du "décrochage régional" qui a bercé la jeunesse de bien des "quinquas".
"Enjoy !" comme ils disent, là-bas...