Les 4 questions que pose l'hypothèse de l'arrêt de la TNT
Posté: 20 Juin 2018 22:18
Article publié ce soir sur le site du journal Les Echos :
Source : lesechos.fr
Les quatre questions que pose l'hypothèse de l'arrêt de la TNT
La possibilité de la fin de la TNT, évoquée dans une étude de l'Arcep, le régulateur des télécoms, aurait moult conséquences.
« La TNT ne correspond à aucun besoin sauf à une pensée politique malsaine pour recontrôler la télévision. ». C'est ce que disait Patrick Le Lay, le patron de TF1, au début des années 2000, s'opposant vivement à l'arrivée de la Télévision numérique terrestre (TNT). Quasiment 20 ans plus tard, le débat sur l'intérêt de la TNT resurgit, alors que l'Arcep, le régulateur des télécoms, publie une analyse, évoquant la fin de la TNT .
Qui regarde la TNT ?
Alors que les fournisseurs d'accès Internet proposant l'accès à de nombreuses chaînes ont pris de plus en plus de place, la TNT n'est plus le premier mode de réception de la télévision, selon l'Observatoire de l'équipement audiovisuel des foyers du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Fin 2017, 50,8 % des foyers accèdent à la télévision via la TNT contre 55 % via l'ADSL, le câble payant et la fibre (un même foyer pouvant disposer de plusieurs modes de réception). En 2015, c'était respectivement 58 % et 49 %. Le satellite reste, lui, relativement stable (à 24 % fin 2017).
Toutefois, quasiment un quart des foyers (24 %) n'accèdent qu'à la TNT, ne serait-ce parce qu'ils n'ont pas accès au haut débit. C'est d'ailleurs un des arguments des défenseurs de France 4 alors que le gouvernement envisage de stopper sa diffusion via la TNT.
Qu'apporte la TNT ?
« La TNT c'est la plate-forme du 100 % ou du quasi-100 % en couverture, en haute définition et en termes de protection de la vie privée puisque la consommation n'est pas traçable », souligne Olivier Huart, PDG de TDF. La qualité du signal est également largement meilleure, dans la mesure où le réseau est dédié à la télévision. »
Ensuite, la TNT a contribué à développer la télévision ces dernières années. « C'est grâce à la TNT aussi que la durée d'écoute (linéaire et non linéaire) a grimpé d'une vingtaine de minutes en dix ans », dit un bon connaisseur. Aujourd'hui, 90 % de l'audience de la télévision est faite par les 27 chaînes présentes sur la TNT, alors qu'une centaine d'autres thématiques, locales, étrangères (que l'on retrouve dans les bouquets des opérateurs) ne génèrent que 10 % de l'audience, selon Médiamétrie.
Le CSA a lancé l'an dernier une consultation sur la TNT et mis en place une feuille de route, avec l'objectif de moderniser la plateforme à horizon 2024 (par exemple, en développant des services interactifs pour les chaînes de la TNT).
Quelles sont les obligations attachées aux chaînes de la TNT ?
Toutes les chaînes (de la TNT et les autres), à partir d'un certain de seuil de budget, doivent signer une convention avec le CSA, prévoyant diverses obligations (financement de la création, déontologie etc.). Mais celles de la TNT ont des obligations plus contraignantes imposées en contrepartie d'une fréquence accordée gratuitement qui leur permet de toucher une très large partie des Français. Elles ont donc pris des engagements forts en matière d'exposition des oeuvres françaises et surtout sur leur financement. Cela contribue à la sacro-sainte exception culturelle française.
Quelles conséquences pour ces chaînes si la TNT disparaissait ?
L'arrêt de la TNT ferait tomber automatiquement le mécanisme de financement de la création française auxquelles les chaînes de télévision sont soumises, un sujet éminemment politique et donc hautement sensible. Il faudrait donc trouver d'autres modes de financement.
Si la TNT disparaît, cela libérerait des fréquences dites « en or », parce qu'elles pénètrent mieux dans les immeubles et peuvent assurer une bonne couverture dans les zones peu denses. Les opérateurs télécoms en sont friands, eux qui vont bientôt lancer la 5G. Transférer des bandes de fréquences de la télévision aux télécoms nécessite cependant des décisions au niveau européen. Pour l'heure, les fréquences sont sanctuarisées pour les acteurs audiovisuels jusqu'en 2030, mais une clause de rendez-vous a été posée en 2025. Alors que la demande explose pour les réseaux mobiles, et que la TNT décline, la question d'un basculement anticipé des fréquences TNT en faveur des télécoms pourrait être posée.
Marina Alcaraz
Source : lesechos.fr