Bonsoir Julien
Bonsoir Prunelle,
Je découvre ce soir vos messages concernant en premier lieu l'octroi tout récent d'une autorisation par le CSA à Radio Bonheur d’émettre sur Brest et sur ses environs soit une zone de chalandise d’au moins 210 000 habitants. On peut imaginer aisément les rentrées financières qui en résulteront pour cet éditeur. Par ailleurs, si je fie à ce que vous écrivez (et je n'ai nulle raison de les mettre en doute), cette autorisation résulte d'un basculement d'une catégorie A (associative, sans pub) vers la catégorie B avec son lot de publicités : l'assertion selon laquelle le CSA était tenue de restituer la fréquence, et de la soumettre à consultation, n'aurait-elle pas été respectée ? Je ne connais pas le dossier, mais je suis néanmoins enclin à espérer que le CSA ait respecté la procédure ad hoc. En revanche, et c'est là un réel problème de légitimité concernant les autorisations déterminées souverainement par le CSA, elles ne sont point publiquement motivées. Dans un autre fil, un lecteur (je suis navré, mais je n'ai plus son pseudo en tête), nous avait expliqué que seuls les candidats malheureux pouvaient connaître les motivations fondant la décision administrative défavorable rendue par cette autorité publique. Et le cas, échéant, déposer un recours gracieux (la plupart du temps rejeté par le CSA).
A priori, il ne paraît pas illogique que les décisions défavorables ne soient portées qu'à la seule connaissance des personnes physiques ou morales : de manière générale, les décisions administratives n'ont pas vocation à faire l'objet d'une publicité (par voie de publication) : cela se conçoit d'autant plus que lors du dépôt d'une candidature au CSA, la procédure d'évaluation repose sur des documents écrits, non communiquées à tierce partie ; et si audiences il y a afin d'entendre les différents postulants, celles ci ne sont pas publiques > c'est une différence notable par rapport à la justice administrative...
Note : je ne suis pas un spécialité du CSA > si mon propos était erroné ou incomplet, ne pas hésiter à m’amender.
Il m’apparaît nécessaire de souligner que l'émission d'un programme sur la bande FM est une sorte de privilège dans la mesure où l'ensemble des citoyens d'un territoire est concerné par la réception d’une ligne éditoriale ou musicale émanant d’un éditeur radiophonique. Contrairement à la presse écrite, ou électronique, qui ne souffre d'aucune limite en matière de diffusion contrairement au spectre FM, et bénéficiant à ce titre d'une liberté presque totale en la matière, nous savons qu'il n'en est pas de même pour la radio (analogique) : les disponibilités sont limitées. C’est pourquoi, sur la base du principe d'équité et d'équilibre, qu'une autorité publique rend des décisions, peut-être pas au nom du Peuple français, mais indubitablement au nom du bien commun, de la même manière que les établissements publics régionaux prévus par la législation sont habilité à rendre des arbitrages en matière de santé publique au nom du bien commun. De surcroît, les décisions du CSA sont publiées au JO.
Le processus de délivrance des autorisations sur la bande FM n'intéresse qu'une niche de citoyens, notamment ceux qui consultent à ce forum. Toutefois, la liberté d'expression n’a-t-elle pas valeur constitutionnelle : l'article 100 de la Constitution énonce que " la liberté d'expression, y compris le droit d'obtenir, de conserver et de distribuer des informations et de manifester ses opinions, est garantie à tous". Vous lisez donc comme moi que la liberté de distribuer des informations est garantie à tous. Mais les principes constitutionnels ne sont pas intangibles, et selon celui-ci devrait évoluer. Constatant le poids de la culture, et des messages qui sont diffusés allégrement et sans retenue par certains groupes non forcément guidées par l’honnêteté intellectuelle, je regrette que cet article ne mentionne pas explicitement - outre les informations - les messages à finalité culturelle : si tel était le cas, les morceaux diffusés, notamment par Radio Bonheur, mais également par une kyrielle de diffuseur, seraient mutadis mutandis, visés par ce principe. Il en découlerait alors que le CSA serait tenu non seulement à une stricte équité en matière de ventilation de telles ou telles autorisation (A, B, C...), mais cet organisme pourrait être "challengé" et rendre compte publiquement de certaines décisions, ne serait-ce que pour s’assurer de son haut niveau d’indépendance.
Las, certains patrons de radios, notamment radio Bonheur nous convainquent qu’ils ne s’inscrivent dans les valeurs de feu monsieur Alain peyrefitte lors de la création de l’ORTF, à savoir que cet organisme devait répondre à un triple-objectif : cultiver, divertir et – je crois – informer. C’est peu dire lorsque l’on sait que l’ORTF n’était pas un organisme se caractérisant par sa liberté d’expression. S’agissant spécifiquement de Radio Bonheur, je suis atterré de découvrir qu’il est (je ne peux employer le subjonctif) définitivement condamné puisque toutes les voies de recours sont épuisées pour harcèlement morale d’une de ses employées, et pire encore (c’est mon opinion) pour tentative de soudoiement d’un technicien afin qu’il récuse son témoignage à l’appui du harcèlement. Ne connaissant pas l’affaire, je ne sais si la défense de cette employée a demandé que la cour d’appel assortisse son arrêt d’une obligation de diffusion de cette condamnation trois fois par jour pendant 15 jours sur les antennes de Radio Bonheur > je laisse à chacun de voir si cela n’aurait pas été opportun. Quoiqu’il en soit, je loue la probité de ce technicien qui a refusé de se plier devant la loi de l’argent que certains dirigeants savent exploiter à leur avantage…
Dans ces conditions, il est à espérer que les sages du CSA n’aient jamais eu vent de cette procédure judiciaire. Dans le cas contraire, comment ne pas s’interroger sur l’autorisation octroyée à Radio Bonheur sur Brest dans la mesure où d’une part cette ville sera bientôt couverte par la RNT, et d’autre part en raison de la probabilité qu’au moins un postulant au titre de la catégorie A ait déposé une demande auprès de cet organisme.
Radio Bonheur n’est finalement qu’un nouveau soubresaut, toutefois remarquable car condamnée par la Justice, dans ce marigot radiophonique peuplé de requins ou de prédateurs sans scrupules.
Mais je te rejoins Julien (tout en te recommandant d’écrire avec prudence, ou alors en jouant de formules faussement interrogatives) : il convient de regarder dans le rétro ; et de se rappeler que d’autres éditeurs, sans nul doute animés par le bonheur de faire le bien, ont su admirablement exploiter la frustration de jeunes auditeurs, notamment à Paris, pour s’imposer au détriment d’autres éditeurs (sans même chercher à dissimuler la volonté de s’affranchir de la législation en matière de PAR. Alors, j’écrirai à nouveau : la fin justifie les moyens > mais cela vaut que pour les entrepreneurs qui cherchent à s’imposer dans le respect d’une concurrence raisonnée > doivent-ils pour autant piétiner les concurrents. En aucune manière. C’est pourquoi, ma conception d’un État de droit respecté car respectable, est qu’une autorité publique ne devrait nullement s’autoriser des arbitrages faisant fi de l’intérêt commun, notamment en concédant par le biais d’autorisation, de véritables prébendes à des personnes morales n’ayant cure d’élever le niveau de leurs « followers »…
En conclusion : chacun est libre de choisir ses moyens pour s’informer, et se distraire ; cela d’autant plus qu’Internet permet aujourd’hui de trouver nombre de sites pour se divertir, et trouver des réponses à ces prurits intellectuels. Il est néanmoins regrettable qu’un média tel la radio ne bénéficie pas d’un traitement particulier de telle manière que la transmission de la culture, puisqu’il s’agit d’une exception française, soit jalousement supervisée par un organisme qui se devrait de se rappeler la qualité de certains programmes jadis diffusés, non pour le lucre, mais encore une fois, pour le bien commun.
A suivre…
PS. Cette affaire de Radio Bonheur m’aura vraiment donné de l’énergie à écrire ce que je pense !