France Ô fait peau neuve
Quelque peu marginalisée dans le groupe France Télévisions, France Ô, la chaîne de l’outre-mer, compte bien retrouver son identité et faire entendre sa voix. « Le service public doit être attentif aux populations ultramarines », affirme Wallès Kotra, le directeur exécutif de France Ô, qui, jeudi 6 octobre, présentait les nouveaux programmes mis en place à partir du début d’octobre.
Nommé au début du mois de mai par Delphine Ernotte, la présidente de France Télévisions, Wallès Kotra est le premier directeur de ce réseau issu de l’outre-mer et plus précisément de Nouvelle-Calédonie. Diplômé de l’Ecole supérieure de journalisme de Lille, Wallès Kotra qui a réalisé toute sa carrière entre le Pacifique et Paris, est un Kanak longtemps proche de Jean-Marie Tjibaou, le leader indépendantiste du FLNKS (Front de libération nationale kanak et socialiste) assassiné à Ouvéa le 4 mai 1989, après la signature des accords de Matignon ramenant la paix après quatre années de quasi-guerre civile.
Journaliste politique puis directeur de l’information à Radio France outre-mer (RFO) Nouvelle-Calédonie et fin connaisseur de la culture mélanésienne, Wallès Kotra n’ignore pas les difficultés de France Ô. Diffusée sur le câble et le satellite vingt-quatre heures sur vingt-quatre, la chaîne a toujours eu du mal à faire le lien avec la métropole et apporter « la dimension culturelle » qui est dans son cahier des charges.
Sans ligne éditoriale précise
En 2014, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) posait même la question de son maintien au sein de France Télévisions. A cette époque, France Ô frôlait les 0 % d’audience, avec des programmes fourre-tout, où se mêlaient, sans ligne éditoriale précise, journaux d’information, telenovelas sud-américaines, feuilletons et magazines. Finalement, elle fut maintenue au sein du groupe public avec pour mission de concentrer sa programmation sur l’ultramarin.
« Je ne suis pas venu sur France Ô pour ne faire que de la gestion, explique Wallès Kotra. Dans ce pays qui s’interroge sur lui-même d’un point de vue économique, social et même existentiel, il est important qu’il y ait cette parole de l’outre-mer dans le groupe France Télévisions. Le but est de changer notre regard sur les gens et de partager la parole. »
Ainsi, en plus de la mixité et de la diversité culturelle à travers les documentaires et la fiction, France Ô consacrera désormais une soirée hebdomadaire à « L’Histoire de l’outre-mer », suivi d’un débat. « Chaque dimanche soir, nous voulons raconter ces histoires d’outre-mer que l’on a souvent passées sous silence, explique Wallès Kotra. Celles que l’on oublie parce qu’elles laissent des blessures, mais qui parfois font basculer des pays et des hommes. Plus qu’une émission, c’est à chaque fois une prise de parole nécessaire pour un devoir de mémoire. »
Un gros producteur de télévision
Une fois par mois, les programmes seront entièrement consacrés à un pays de l’outre-mer avec « Un jour en outre-mer », composé de documentaires, de spectacles vivants et de magazines. C’est la Guadeloupe qui inaugurera cette première journée, le 31 octobre, suivi de la Martinique et de la Polynésie.
Par ailleurs, France Ô va relayer l’opération « Génération What ? Outre-mer », déjà commencée par Christophe Nick sur France 4, qui invitera les jeunes ultramarins à prendre la parole avec leurs propres mots.
Avec 8 760 heures de programmes en 2015, France Ô est un gros producteur de télévision. La chaîne affiche 1 877 heures de documentaires en 2015 (incluant les documentaires sportifs et musicaux dont 9 % diffusés en prime time) ; ce qui en fait le deuxième diffuseur de documentaires après France 5.
Selon les chiffres fournis par la chaîne, le budget de coût de grille s’élevait en 2015 à 25,4 millions d’euros. Mais, l’audience rencontre quelques difficultés. Médiamétrie place France Ô, à une part d’audience de 0,6 %, ce qui la met en queue de peloton des chaînes. Son défi est donc de taille.