
Topic Officiel sur la chaîne France 3



«En dessous d'une part d'audience de 15%, la marque France 3 est en danger»
AUDIOVISUEL Ex-directrice générale adjointe de France 5, Geneviève Giard a pris depuis cinq mois la direction générale de France 3. Elle fixe ses priorités pour 2006.
Propos recueillis par Paule Gonzalès et Philippe Larroque
[21 janvier 2006]
LE FIGARO. – Quelle a été votre première action lors de votre arrivée à France 3 ?
Geneviève GIARD. – J'ai passé beaucoup de temps en régions et à l'écoute des salariés. La chaîne compte 4 858 collaborateurs permanents, dont 75% en régions. La richesse de France 3, et aussi sa complexité, c'est ce statut unique de chaîne généraliste implantée en régions. C'est son ADN. En dépit de cette ambiguïté, elle doit rester une et indivisible. La proximité géographique de la chaîne – notre premier lien avec le téléspectateur – s'est transformée en une relation intime et complice. Cette proximité est un atout considérable à une époque où l'offre télévisuelle se démultiplie.
Quel diagnostic avez-vous établi sur les performances de la chaîne ?
Je ne suis pas là pour critiquer le travail de mes prédécesseurs. Ma priorité définie avec Patrick de Carolis est de fixer un cap durable à France 3. Pour cela, il ne faut pas raisonner en termes quantitatifs, en nombre d'heures de programmes diffusés. Nous devons développer une approche plus qualitative. Sur ce point, France 3 a perdu en cohérence. La faute sans doute au fait que la chaîne a dû, brutalement, à l'automne 2002, abandonner la stratégie des «télévisions numériques régionales». Cet élan brisé a empêché la mise en place d'une ligne éditoriale claire, chacun produisant des programmes en fonction des impératifs et des contraintes de sa région et non des attentes du téléspectateur. Depuis des années, l'audience de France 3 est donc en berne. L'été dernier, nous n'avons pas dépassé les 14,7% de part d'audience.
Quelle est donc votre priorité absolue ?
C'est la reconquête de l'audience avec l'objectif d'un seuil plancher de 15%. En dessous, notre marque est en danger. Mais nous ne sombrerons pas dans les excès du jeunisme. Je préfère miser sur la modernité. Depuis octobre, nous avons commencé à travailler sur le prime time et les deuxièmes parties de soirée. Cela nous a permis de remonter à 15,3% sur les deux derniers mois de 2005. Mais ce n'est pas suffisant pour nous permettre de prendre des risques comme le service public doit le faire. C'est maintenant sur le «fond de grille» qu'il faut se concentrer, c'est-à-dire sur le day time (6 heures-20 heures), qui contribue à hauteur de 60% à l'audience de la chaîne et sur le week-end. Nous étions dans une spirale infernale : l'audience baissant, les recettes publicitaires fléchissaient, ce qui entraînait une réduction de l'investissement dans nos programmes.
Quelle sera la ligne de force de votre réforme des programmes ?
France 3 s'est construite en jouant la carte de l'offre alternative, comme le montre le succès du feuilleton «Plus belle la vie», à 20 h 20. Il faut aller plus loin. Nous avons trois problèmes : le 13-15 heures, les fins d'après-midi et les week-ends. Pour le milieu de journée, nous allons instaurer à partir du 27 février le «12-13», un rendez-vous d'information à midi pile qui, sept jours sur sept, reprend le modèle du «19-20». A partir de 13 heures et par souci d'harmonisation avec France 2 notamment, nous proposerons deux nouveaux divertissements : un jeu, «Drôles de couples», puis, en direct, à 13 h 50, «Pour le plaisir», un titre provisoire. Avec ces deux émissions, France 3 entend favoriser la création française. Pour les fins d'après-midi, l'offre jeunesse ou les week-ends, nous travaillons à l'échéance de septembre 2006.
Le numérique semble être un handicap pour vous tant sur le satellite que sur la TNT...
La diffusion est le deuxième chantier prioritaire de France 3. Sur le satellite, la chaîne n'a pas la possibilité de diffuser ses vingt-quatre programmes régionaux, qui sont remplacés par France 3 Sat, florilège de notre offre. C'est une perte identitaire forte quand on sait que 25% des Français sont abonnés à une offre élargie payante. Je compte donc sur la vigilance de l'Etat et du CSA pour exiger à l'occasion du rapprochement CanalSat-TPS le respect de la loi sur le «must carry» dans toutes ses dimensions. Il va aussi falloir trouver des solutions aux différences existant entre la carte du déploiement de la TNT et le découpage régionale de France 3. Parmi ces solutions, il y a l'implantation d'émetteurs secondaires supplémentaires. C'est un travail lourd et coûteux que nous venons d'engager.
Comment France 3 peut-elle faire face à tous ces investissements ?
Pour la première fois depuis 1999, la chaîne va afficher en 2005 un déficit de ses recettes publicitaires de 14 millions d'euros par rapport aux prévisions. Même s'il faut relativiser ce manque à gagner au regard de notre budget de 1,2 milliard d'euros, c'est une preuve de notre fragilité. Devant compter sur nos propres forces, il va falloir trouver des synergies à l'intérieur de la chaîne et même au sein du groupe. Elles concernent tout autant notre organisation du travail, la technique que l'informatique, par exemple. Nous devons aussi tirer un meilleur parti, dans le domaine de l'information, de notre maillage régional. Imaginez la richesse que représentent les 250 reportages réalisés chaque jour par toutes les rédactions de France 3.