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lyoncapitale.fr, 6 février
Salaire du président du CSA : le gavage du sage est désormais publié au Journal officiel
Un arrêté ministériel publié dans le Journal officiel du 2 février 2013 a suscité de nombreuses réactions indignées sur Internet et les réseaux sociaux. On y apprenait que l’indemnité annuelle de fonction du nouveau président du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), Olivier Schrameck, était portée à 100500 euros, contre 55307 euros fixés par un précédent arrêté du 26 novembre 2002.
Comment comment ? A peine arrivé à la tête du CSA, Olivier Schrameck aurait vu son indemnité quasiment multipliée par deux ?! En réalité, M. Schrameck gagnera exactement la même somme (très confortable) que son prédécesseur M. Boyon, conseiller d’État comme lui et théoricien revendiqué de la panenka. Ce dernier avait en effet bénéficié d'une nette augmentation de sa rémunération en 2008 (quasiment un doublement, donc) et cette augmentation, passée inaperçue (et pour cause), n'avait même pas été prise en compte dans les textes officiels. Comment une autorité administrative censée s’occuper de régulation a-t-elle pu procéder ainsi, de façon quasi occulte et hors procédure officielle, en accordant à son président de telles largesses financières, voilà un sujet intéressant pour la Cour des comptes.
Le nouveau président M. Schrameck, ancien directeur de cabinet de Lionel Jospin à Matignon et proche de François Hollande n’a donc pas saisi l’occasion de cette première réforme, mais a tranquillement glissé ses petits petons dans les pantoufles brodées de son prédécesseur. Quant aux services du CSA, ils sont priés de délivrer la parole présidentielle aux rares idiots qui osent encore poser des questions et expliquent : "Il s'agit seulement d'une régularisation. Olivier Schrameck gagne exactement la même somme que l'ancien président". La régularisation pour la régulation, quoi de plus normal en somme ?
Hé ho, c’est pas moi, c’est l’autre
Oui, cela, tout le monde l’avait compris, merci, et pas seulement les experts du chiffre. En fait, les 100500 euros que touchera M. Schrameck ne représentent qu'une grosse moitié de son salaire annuel, car, à cette indemnité, s'ajoutent 83000 euros de traitement. Soit un total annuel de 183500 euros, ou, si l’on préfère, de 15000 euros par mois. S’en émeut-on que le CSA poursuit son antienne présidentielle : le salaire touché par M. Schrameck est le même que celui perçu par les présidents des autres "machins" improbables dont la France raffole, (les fameuses autorités de régulation), en l’occurrence Jean-Ludovic Silicani, à la tête de l'Arcep, le gendarme des télécommunications, et Bruno Lasserre, qui préside l'Autorité de la concurrence. Il n'y a donc rien d'anormal dans la rémunération allouée à M. Schrameck, insiste-t-on benoîtement quai André Citroën. Et là, on commence à entrevoir les raisons pour lesquelles la fusion entre le CSA et l’Arcep a vraiment du plomb dans l’aile… Faudra-t-il renoncer à ses émoluments ? Devra-t-on partager le gros gâteau ? Gardera-t-on ses (deux !) voitures de fonction, qui font pin-pon pour se rendre à l’Élysée, avec un beau gyrophare bleuté sur le toit ? Autant de questions cruciales pour l’intérêt du téléspectateur et la qualité des programmes.
Par ici les escargots
Au-delà du débat sur l’utilité même de ces "autorités administratives indépendantes", qui coûtent une fortune aux Français (40 millions d’euros annuels pour le seul CSA) et ne sont, comme l’a dit Jean-Pierre Elkkabach il y a quelques jours sur France 5, "que de faux-nez du pouvoir politique", le procédé peut légitimement choquer. Démonstration : primo, je me double mon salaire en catimini, ni vu ni connu, hors procédure officielle. Deuxio, je laisse à mon successeur le soin de régulariser, cinq ans plus tard. Tertio, si l’on me demande des comptes, je dénonce mes petits camarades qui font les mêmes vilaines choses dans des organismes similaires. Conclusion : par ici les escargots. Insiste-t-on une dernière fois auprès du CSA qu’on vous assène le coup de grâce : le nouveau président est vraiment indépendant, il est même exceptionnel, la preuve, il va voir ses revenus baisser et fait quasiment don de sa personne au CSA. En effet, M. Schrameck était auparavant président de section au Conseil d’État, le grade juste en dessous de celui de vice-président. Il gagnait pour cela plus que ce qu'il recevra à la tête du CSA. Tant d’efforts, cela ne peut que forcer l’admiration. Surtout que M. Schrameck a l’ambition de s’attaquer, sans plus attendre, à la régulation d’Internet. A ce tarif, ce n’est plus un effort, c’est un sacrifice.
Le cri de Mémona
Mais au fait, qu’en pense Mémona Hintermann, qui, aussitôt nommée au CSA, vient de déclarer : "Je suis sûre qu’en France nous avons besoin de mettre en place quelques règles de bonne conduite". Règles de bonne conduite qui passeraient, d’après elle, par un changement des grilles de rémunération des journalistes télé. Il n’est en effet pas acceptable à ses yeux que les présentateurs de JT soient systématiquement mieux payés que les reporters envoyés sur le terrain et qui "risquent leur peau" sans même une prime. "Quelle justice dans tout ça ?" demande la nouvelle sage, qui évidemment n’a en tête que l’intérêt général et ne règle aucun compte, comme ont pu le laisser entendre quelques esprits mal intentionnés. Au CSA, son cri semble même avoir été entendu. Dans cette noble institution, où l’on risque sa peau tous les jours, les primes sont désormais publiées au Journal officiel.
Source http://www.lyoncapitale.fr/Journal/univ ... l-officiel